Il régnait un parfum...
Il régnait un parfum de grillons et de menthes
Un silence d'oiseau frôlait les eaux dormantes
Où près des fauchaisons montrant leur sol secret
L'iris jaune trahit l'avance des marais
Du cœur profond de l'herbe impénétrable au jour
Les roseaux élevaient leurs épis de velours
C'était à la fin mai quand rougit l'ancolie
La terre était mouillée au pied des fleurs cueillies
Et mes doigts s'enfonçaient plus bas que le soleil
Et je songeais qu'il y aura des temps pareils
Et je songeais qu'un jour pareil dans pas longtemps
Je ne reviendrai plus vers toi le cœur battant
Portant de longs bouquets pâles aux tiges vertes
Je ne te verrai plus prenant les fleurs offertes
Et le bleu de ta robe et le bleu de tes yeux
Et la banalité d'y comparer les cieux
je n'irai plus criant ton nom sous les fenêtres
Je ne chercherai plus tes pas sous les grands hêtres
Ni tout le long du bief sous les saules pleurant
Ni dans la cour pavé à tout indifférent
Les miroirs n'auront plus l'accent de ton visage
Je ne trouverai plus ton ombre et ton sillage
Un jour dans pas longtemps par l'escalier étroit
Et je ne craindrai plus jamais que tu aies froid
Je ne toucherai plus ta chevelure au soir
Je ne souffrirai pas de ne jamais te voir
Je ne sentirai plus le cœur me palpiter
Pour un mot de ta voix dans la chambre à côté
Sans l'anneau de tes bras dormant au grand jamais
J'ignorerai toujours combien je les aimais
Vois-tu comme la vie et la mort sont bien faites
L'enfant pleure au retour que s'achève la fête
L'homme a sur lui cet avantage merveilleux
De ne pas emporter ses regrets dans ses yeux
Par un effacement immense et raisonnable
Et béni soit le vent qui balaiera le sable
Et béni soit le feu brûlant la lettre lue
Mon amour mon amour que voulais-tu de plus
Il est des mots que ne peut suivre qu'un silence
Et quel autre bonheur aurait ta violence
O nuage changeant nuage échevelé
Qui se disperse enfin sur le ciel étoilé
Aragon