Sous la cendre...

Valentine Cameron Prinsep-Cinderella-1899

Difficile de trouver l'origine d'un conte. Celui de cendrillon remonte à si loin que la mémoire humaine se perd à en saisir l'origine. Peut-être remonte-t-elle jusqu'aux vestales romaines, ces vierges chargées de garder le feu sacré du temple de Vesta, déesse du foyer.

D'où la cendre...

Arthur Rackham-Illustration de la version de 1909 de Grimm trouvée sur Ombres vertes

Mais il faut être prudent avec les contes. Ne pas les réduire à des clichés insipides. Il y a des marches à descendre. Et chaque marche descendue nous rapproche du centre de soi.

Rester à la surface des mots se serait comme réduire l'océan à l'écume...et oublier l'univers abyssal qu'il abrite.

Supplice d'une vestale-Danloux Henri-Pierre-XIXe

Le feu que garde Cendrillon est le feu sacré de l'âme. Dans l'histoire des vestales romaines, chaque fléau (guerre, catastrophes naturelles) semblaient être ponctué d'un sacrifice aux dieux. La vie d'une vestale pour calmer la colère des dieux.

Cendrillon est elle aussi sacrifiée par son père lorsqu'il épouse en seconde noce une femme cruelle. Ce sacrifice ressemble fort à celui que l'on fait lorsque notre douleur nous fait oublier la flamme sacrée sous la cendre. Nous laissons la meilleure partie de nous-même, la plus pure, s'endormir.

  Dans la version des frères Grimm, c'est à l'arbre, un noisetier planté sur la tombe de sa mère, que Cendrillon doit sa rédemption. Dans celle de Perrault, elle est aidée par sa marraine la fée.

Petit arbre, ébranle-toi, agite-toi, jette de l'or et de l'argent sur moi.

(phrase répétée plusieurs fois dans la version Grimm)

Illustration de Gustave Doré

Dans les deux versions, le secour vient d'une figure féminine importante et surnaturelle. Cendrillon puise dans le féminin sacré en elle, ses racines profondes symbolisées par l'arbre dans la version Grimm. Elle a beau n'être plus que cendre, il suffit qu'elle se souvienne de ses racines profondes de femme pour renaître telle un phoénix et courir retrouver sa part manquante, son unité: le prince.

Francesco Hayez-Le baiser

Mais il faudra pour cela respecter la condition du cycle des douze heures. En effet, le temps est nécessaire à toute maturation et il ne sert à rien d'aller contre lui.

Illustration anonyme trouvée ici

Il faut pour cela prendre conscience de toutes les parties de soi, assembler le puzzle délicat de notre histoire et chausser la chaussure de verre (ou de vaire) qui va révéler l'être unique que l'on est.

Cendrillon est un charmant phoenix qui donne toutes les clés pour ranimer la braise de notre foyer intérieur.

Edward Robert Hughes-Making music-XIXe

Minuit est passé! Vite je file...

Comments

[Aicha]

Bienvenue en ce palais cher chevalier,
Je crois que ce terme te va comme un gant. Et puisque tu évoques Lancelot du lac et la mythiques quête du Graal, (je pensais justement à la fée Mab aujourd'hui), sa passion pour Guenièvre n'est-elle pas cette passion sacrée qui dort sous la cendre?
Cette passion pour laquelle ce jeune chevalier élevé pourtant par une fée abandonnera tout jusqu'à la raison. Mais n'est-ce pas ainsi que la vie nous désire? Nu et dépouillé de notre raison encombrante.
Le conte ne parle ni à la raison ni à l'intellect. Il ne s'embarrase pas de logique parceque là où il nous entraîne il n'y a qu'infini et éternité.
Par ailleurs, le tableau du "Baiser" que j'aime sans doute aussi ardemment que toi et depuis longtemps, semble l'illustration parfaite de l'union entre Lancelot et la reine Guenièvre...
Cette source bleue de la robe soyeuse qui s'écoule au coeur du feu...
Je suis flattée que tu t'inspires de mes mirettes pour dessiner ta version de Mélusine et suis très impatiente de la voir ainsi que les portraits d'oursonne,de servanne, et les âges de Cendrillon!
Oui l'amitié s'invite et c'est elle qui enchante ce palais.
Merci pour "rédemption" et pour ce qui est du sacré, rien de ce qui est n'est en dehors de lui...Mais voila que nous touchons un pallier très profond de mon escalier personnel!

Je t'embrasse, toujours heureuse de te lire!

[Aicha]

Le conte s'adresse avant tout à l'Etre qu'il soit fille ou garçon...Et les personnages féminins ou masculins habitent dans un royaume caché à l'intérieur de soi.
Tu es aussi bien Cendrillon que le prince.
A toi de découvrir cette part Cendrillon et cette part princière qui doit ouvrir les yeux assez grand pour la reconnaitre... comme tu as su reconnaitre la beauté calligraphique de l'iris!
Bonne soirée à toi.

[Aicha]

Le conte est intemporel tout comme l'enfant qui est en chacun de nous et nous accompagne sans doute au-delà de notre dernier souffle.
On le redécouvre à chaque nouvelle lecture parceque nous sommes en perpétuelle métamorphose.

Bisous chère fée!

[Aicha]

Ton commentaire est très dense et il m'est difficile d'y répondre comme j'aimerais alors je vais aller à l'essentiel:
"l'amour, la passion peuvent être destructeurs, qu'il faut s'y préparer."
Je crois que là tout est dit. Tu viens de cerner ce que les contes suggèrent.
L'amour, la vie, la passion pour moi sont étroitement mêlés.
Dans le conte, la mort côtoie le merveilleux, le mal est parfois instigateur du bien et inversement. C'est une carte au trésor dont le trésor à déterrer est la vie même.
La vie c'est une passion. Ne brûle-t-on pas à chaque instant telle une bougie de cire?
La vie détruit et reconstruit inlassablement comme l'amour peut le faire. Les plus douloureuses souffrances ne viennent-elles pas de l'amour? et quel autre bonheur que d'aimer et être aimé?
C'est ce que le conte chuchote amoureusement à nos oreilles.
Il nous donne la clé pour séparer le bon grain de l'ivraie. Discerner en soi la bonne terre où peut germer le bonheur, cet arbre de vie dont les fuit ont un gout d'éternité. Pour se libérer de tous les cycles de douze heures, pour voler sans l'aide artificielle de la magie d'un soir mais avec les ailes sûres de l'amour véritable.

Mais je m'égare, je me laisse porter...

L'oursonne, cette braise en toi qui transparait dans tes poèmes, tes dessins, ta douceur est la Cendrillon qui chausse le bon soulier. C'est la tâche de ton prince intérieur de les honorer et leur offrir la place d'honneur dans ta vie. :)

Je vais dès que je les reçois ajouter tes illustrations à cet article et je t'en remercie de tout coeur.
Je t'embrasse fort!

[dourvac'h]

Tu devrais corriger "rédemption"... et je partage ta foi dans le "féminin sacré" ! Bises & Amitié à toi.